Habitat(s), habiter

« En fait, Detroit ressemble à une sorte de Pompéi moderne, dont la lave ne proviendrait pas d’une roche incandescente, plutôt des crédits et des dettes, poussant à cet exode urbain dont la question se pose d’où ils sont allés, tous ces gens, laissant leurs chiens et leurs poubelles pleines, les balançoires dans les jardins qui la nuit avec le vent laisseraient croire que les enfants reviennent. »       

Cette phrase de l’écrivain Tanguy Viel (La Disparition de Jim Sullivan, Les Editions de Minuit, 2017) résonne fortement avec les images du film Detroit, ville sauvage, de Florent Tillon, et avec le thème de notre Mois du doc. Comment et où habiter ? Quels habitants, quels cohabitants sommes-nous ? De quels habitats ? Detroit : l’une des villes les plus « inhabitées » après la « crise » financière de 2007-2008, écrit encore Viel. Ici et ailleurs (partout), les bidonvilles et autres formes d’habitats précaires et non contrôlés se développent en des architectures qui pourraient préfigurer « la ville future », selon le réalisateur Jean-Nicolas Orhon. Ici et ailleurs, dans un lointain beaucoup plus symbolique que réel, des personnes (Erik, Zoe… eux-mêmes habités, par la maladie, par la passion de la recherche…) décident de quitter les zones urbaines pour habiter autrement, une cabane dans la forêt vosgienne, ou bien, presque seule, une bande de terre isolée, l’île de Sable… 

« Dans quelle direction ouvrir ce champ de notre attention politique collective ? Le problème de notre crise écologique systémique, s’il veut être compris dans sa dimension la plus structurelle, est un problème d’habitat. C’est notre manière d’habiter qui est en crise. Et notamment par son aveuglement constitutif au fait qu’habiter, c’est toujours cohabiter, parmi d’autres formes de vie, parce que l’habitat d’un vivant n’est que le tissage des autres vivants ».  

Baptiste Morizot, Manières d’être vivant. Enquêtes sur la vie à travers nous (Actes Sud, 2020)