Harbour

Année : 1998

Durée : 10 mn

Pays de production : Lituanie

Production : Film Studio Laukas

Dans les bains publics, le temps et l’espace prennent un sens différent. Les gens se tiennent nus, comme au temps de leur naissance, sans plus aucun signe distinctif de leur rang, de leur importance ou de leur position dans la société. Ils poursuivent leurs étranges rituels, se torturant eux-mêmes, comme une tentative d’éliminer la poussière de leurs vies.

Pendant le tournage de Flying Over the Blue Field, Stonys et son équipe ont résidé au sanatorium de Brištonas. Là, il a filmé, fasciné, les corps plongés dans des bains de boue, d’eau ou de vapeur dans ce "port" privé et collectif dans lequel des hommes et des femmes se débarrassent de leurs chrysalides fatiguées. Tourné avec une pellicule ukrainienne, dont les états peuvent varier avec le temps (du virage marron jusqu’au blanc), Harbour intègre dans son support même la dégradation et à terme, la disparition. Les plans fixes sont composés comme des peintures, au bord du photographique. La bande son fait retentir de temps en temps des chants lyriques. Tout, depuis le cadrage jusqu’au rythme du montage, concourt à transfigurer le sanatorium, à le dépeindre comme un lieu dans lequel se déroule une liturgie étrange. En dix petites minutes, le cinéaste parvient à saisir avec force et profondeur une stase rituelle, que les protagonistes, plus proches de la mort que de la vie, observent comme la promesse renouvelée d’une renaissance.
(Emamnuel Chicon)